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Agriculture :


Les conséquences de la Politique Agricole Commune



Les subventions dans le domaine agricole représentent plus de 40% du budget de l'Union Européenne. Ces aides, versées dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC), ont pour objectifs de stabiliser les prix en limitant les variations dues aux conditions climatiques et de rendre l'Europe autosuffisante en matière agricole. Entreprise fort louable, de prime abord seulement.

Au niveau mondial, d'abord, la PAC ainsi que les subventions des Etats-Unis à son agriculture, ne sont pas sans conséquences pour les autres pays. En effet, ceux qui militent contre la pauvreté dans le monde, dénoncent l'asphyxie des agricultures des pays en voie de développement dont les produits ne peuvent bénéficier d'un marché équitable face à une "industrie agricole" très mécanisée et largement subventionnée.

En Europe, les inégalités dans la répartition des aides versées sont flagrantes. En France, 80% des subventions vont à 20% des agriculteurs. On cite aussi souvent le montant de 1,5 million d'euros que perçoit chaque année la Couronne britannique, grande propriétaire terrienne.

D'autre part, le soutien des prix par la PAC a favorisé la concentration des exploitations agricoles et la course au rendement. Avec une monoculture intensive et le productivisme, les sols sont en train de s'appauvrir, rendant l'utilisation des engrais indispensables. Les cultures sont fragilisées et nécessitent l'emploi d'énormes quantités de pesticides. Les conséquences sur l'environnement font souvent la Une de l'actualité : assèchement des nappes phréatiques, inondations provoquées par le ruissellement des eaux que plus rien ne retient, pollution par les nitrates, contamination des aliments...

La réforme de 2003 de la PAC, qui a découplé les aides par rapport aux quantités produites, voulait lutter contre le productivisme et moduler l'aide en faveur des petites exploitations agricoles. Or, avec une aide versée égale à la moyenne des sommes perçues durant les trois années qui ont précédé la réforme, on a créé une véritable rente de situation pour les grosses exploitations. Il s'ensuit une forte distorsion de la concurrence puisque l'on favorise les zones "faciles" donc les plus productivistes. Les perdants sont aussi ceux qui se sont lancés avant les autres dans une agriculture biologique, puisque leur aide est calculée sur une assiette plus faible que pour ceux qui ont attendu la réforme. En outre, cette répartition des aides contribue toujours à la désertification d'une grande partie du territoire.

Dans ce contexte où l'enjeu économique est important, il n'est pas facile pour les paysans les plus modestes, souvent endettés, de conserver leur autonomie face aux géants de l'agroalimentaire qui les approvisionnent en engrais, en produits chimiques, en pesticides, en semences, etc.

La politique d'aide aux exploitants doit être changée et ne plus être liée au prix et à la quantité produite (actuelle ou passée), mais à l'intérêt qu'il peut y avoir pour la société toute entière d'orienter l'agriculture, devenue "post-industrielle", dans telle ou telle direction. Ce serait le cas par exemple de la polyculture associée à des exploitations mixtes (élevage et culture), de taille raisonnable qui permettrait d'obtenir une agriculture soucieuse de la biomasse et de préserver la biodiversité. Elle contribuerait, en plus, efficacement à l'aménagement du territoire en favorisant le repeuplement des campagnes.


Pierre Tourev, 19/09/2006


      "Les éléments nécessaires pour produire du blé étaient autrefois la terre, le soleil, et la sueur des bêtes et des hommes. Aujourd'hui, la terre ne compte guère, les animaux ont disparu, les hommes continuent à se fatiguer, différemment mais au moins autant qu'avant, et le reste des ingrédients est fourni par l'industrie. Certes le rendement à l'hectare s'accroît régulièrement, mais ce terme n'a plus le même sens, puisque le rôle de la terre s'est amoindri. Il faut comparer la récolte non à la surface qui lui est consacrée, mais à l'ensemble des produits de toutes natures qu'il a fallu consommer pour l'obtenir (les intrants). Le bilan est alors beaucoup moins glorieux. Ce que met en évidence le prix de revient élevé des céréales produites. Encore ce prix ne tient-t-il pas compte des charges qui, en bonne logique, devraient lui être imputées : coût des pollutions induites qui détruisent peu à peu l'écosystème, coût du déplacement de populations qui avaient un toit au village et pour qui il faut construire des barres ou des tours dans les grands ensembles."
      Albert Jacquard - né en 1925 - J'accuse l'économie triomphante - 1995


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