Propositions pour une réduction du temps de travailAujourd'hui, le discours ultra-libéral niant la réalité historique voudrait faire croire que la seule façon de gagner plus, c'est de travailler plus. Or en un siècle, entre 1880 et 1980 le temps de travail annuel a été divisé par 2 et pourtant le niveau de vie d'un prolétaire de 1880 est sans commune mesure avec celui d'un salarié de 1980. (De plus, sur cette période, les destructions de deux guerres mondiales ont nécessité beaucoup de travail, non pour améliorer le niveau de vie, mais simplement pour reconstruire). Le simple constat de la réalité historique montre à l'évidence qu'on peut travailler moins et vivre beaucoup mieux. Il n'y a aucun mystère à cela : l'explication est toute entière dans le fait que chaque année, il y a des gains de productivité. La combativité sociale durant ce siècle a fait que ces gains de productivité ont largement bénéficié à l'ensemble des travailleurs. (Sous la forme de baisse du temps de travail et d'amélioration du niveau de vie). Après 1982 (les 39h et la 5eme semaine de congés payés) et jusqu'en 2002, l'attentisme et la faible combativité de l'ensemble des salariés ont favorisé un changement dans le partage des gains de productivité. Il s'est traduit par :
Dans le même temps le pouvoir d'achat baisse pour le plus grand nombre, l'enrichissement d'une minorité s'accroît, la richesse s'étale, pouvoir et people se congratulent. Ceci dit faut-il "Reprendre le combat pour marcher vers les 32 heures en 4 jours" ? Du temps de travail, du niveau de salaire et des conditions de travail découle en grande partie un mode de vie. 32 heures par semaine c'est de fait la moyenne du temps de travail effectué aujourd'hui rapporté à l'ensemble des personnes qui ont un travail ou qui sont en recherche d'emploi. Bien sûr qu'il serait plus juste de faire individuellement 32 h alors que la plupart des gens travaillent entre 35 et 40h, et que plus de 4 millions de personnes font entre quelques heures et pas d'heures du tout. Mais ces 32 h ne sont pas à la hauteur de la nécessité d'un changement radical de la société, changement que les problèmes écologiques actuels induits par notre mode de vie rendent d'autant plus nécessaire et urgent. Quand le niveau des océans aura monté d'une douzaine de mètres par suite de la fonte du Groenland et des banquises de l'antarctique, le combat pour marcher vers les 32 h paraîtra bien timoré. Si le combat pour la réduction du temps de travail est nécessaire, vital, il ne s'inscrit pas dans une opposition à Sarkozy aujourd'hui, demain à une "gauche" productiviste, mais dans un projet bien plus fondamental bien plus global, qui est d'avoir un mode de vie permettant un mieux être durable pour tous les habitants de la planète. L'objectif à atteindre au plus vite devrait plutôt être de l'ordre de 20 h de travail social (dans le sens de travail nécessaire au fonctionnement de la société) par semaine en moyenne soit 900 h par an. Cet objectif est à notre portée, si :
La réalisation de ce qui précède, entraîne une rétroaction qui accentue la baisse du temps de travail social. En effet, une forte baisse du temps du travail permet à certains la réappropriation d'activités jusqu'alors réalisées dans le cadre d'un travail socialisé (garde des enfants, ménage, bricolage, jardin, entretien électroménager, voiture etc. etc. . . . . ) Comment impulser la lutte pour avancer vers les 20 h ?Des sommes colossales sont dépensées chaque année pour le traitement social du chômage. Concrètement, elles arrivent soit dans la poche des employeurs par toute sorte de dégrèvements (ça leur fait de la main d'ouvre bon marché), soit elles aident à vivre des salariés privés d'emplois. En aucun cas ces aides n'arrivent au salarié qui participent de fait, ou voudraient participer au partage du travail. Il serait souhaitable que toutes les aides aux employeurs servent à cette fin.Tout salarié travaillant entre 50 et 100% du temps légal du travail (aujourd'hui, 35h) devrait être compensé de la moitié du temps le séparant du 100%. Ainsi un salarié à mi-temps devrait toucher 75% du même emploi à plein temps (un 60% toucherait 80%, un 80% toucherait 90%). Cette compensation devrait être payée moitié par l'employeur, moitié par les ASSEDIC. Il est normal que l'employeur paie plus un salarié à temps partiel car cela lui permet une plus grande souplesse dans l'organisation de son entreprise. Il est normal que les ASSEDIC participent car cette mesure ferait diminuer le chômage.
Sur l'ensemble de la société, l'idée qu'on peut vivre mieux en travaillant moins serait renforcée car la mise en pratique de la mesure serait porteuse de questionnement pour ceux qui ne l'avaient pas encore envisagé. Imaginons : La mesure est adoptée. Dans l'année qui suit, 1 salarié sur 10 choisit de passer d'un plein temps à un temps partiel à 50%. Pour eux, vivre mieux en travaillant moins est un choix, une réalité concrète. C'est important, c'est déjà beaucoup. Pour ceux qui retrouvent un travail salarié c'est mieux aussi. Mais le plus important c'est le début possible d'une dynamique. Un salarié sur dix qui choisirait un temps partiel, ça signifierait que chacun dans son entourage connaîtrait une ou plusieurs personnes qui auraient fait un tel choix. C'est montrer par l'action que c'est possible, qu'on peut vivre autrement. C'est amener chacun à s'interroger... travail et consommation ne sont pas des horizons indépassables, c'est ouvrir des perspectives. Jean Alméras, 02/2011
>>> Bibliographie : Einstein avait raison : il faut réduire le temps de travail (Dominique Méda et Pierre Larrouturou, Editions L'Atelier, Paris, 2016) |