Taxation des plus-values financièresLes pigeons ne sont pas toujours ceux que l'on croitAinsi, en octobre 2012, un groupe d'entrepreneurs, autoproclamés les "pigeons", derrière lesquels se cachaient aussi des investisseurs et des groupes de pression du patronat français, est parvenu à faire reculer le gouvernement socialiste sur un projet de réforme de la taxation des plus-values lors de ventes d'actions d'entreprises, projet qui visait à taxer les revenus du capital comme ceux du travail. On a failli pleurer, en entendant les entrepreneurs répéter qu'ils ont travaillé jour et nuit pendant 20 ans en étant payés au SMIC, qu'ils ont risqué leur économie personnelle. En ce qui me concerne, je préfère réserver le terme de travail aux salariés qui tiennent un emploi, dans une entreprise ou dans une structure à laquelle ils louent leur force de travail et exécutent une tâche contrainte en échange d'une rémunération. En employant le mot "travail" pour un entrepreneur, une profession libérale, ou un artiste, on s'éloigne de l'étymologie latine tripalium, appareil utilisé pour ferrer ou soigner les animaux, ou comme instrument de torture pour punir les esclaves. Il me semble préférable dans ces cas-là de parler d'activité professionnelle. Certes, il y a beaucoup d'entreprises qui meurent, ou qui végètent. Pour celles-ci, bien évidemment, la taxation ne peut s'appliquer, puisqu'il n'y a pas de plus-value; Prenons maintenant, à titre d'illustration, le cas d'une entreprise qui a réussi, avec un investissement initial de 200 000 ?. L'entrepreneur s'est rémunéré plutôt faiblement avec 20 000 ? de revenus par an et revend son entreprise 2 millions d'euros au bout de 10 ans. Si l'entrepreneur avait placé son argent en bon père de famille, à 3% par an, par exemple, au bout de 10 ans il aurait eu environ 270 000 ?. Or, avec une plus-value de 1 800 000 ?, le taux de rendement annuel de l'investissement s'élève, avant impôt, à près de 26%, qui est le taux auquel il faudrait placer ces 200 000 ? pour obtenir 2 millions d'euros au bout de 10 ans. Si le taux d'imposition est de 34% comme c'est le cas actuellement (prélèvement forfaitaire de 19% + contributions sociales de 15%), il lui reste une plus-value de 1 180 000 ?, le taux de rendement annuel passe de 26% à 21,4%. Si le taux de taxation montait à 60%, chiffre souvent cité par des "pigeons", la plus-value après impôt tomberait à 72 000 ?, le taux de rendement annuel est alors de 16,5% ce qui n'est déjà pas si mal pour un investissement dit "à risque" et ferait verdir de jalousie beaucoup d'investisseurs ou de spéculateurs. Mettre une taxation sur les plus-values n'apparaît pas aberrant car la plus-value est, en quelque sorte, un revenu différé que l'on touche en une seule fois au moment de la vente, d'autre part, il n'y a pas de raison que les revenus du capital soient moins taxés que ceux du travail. En outre, le faible revenu que l'entrepreneur s'octroie - dans cet exemple - peut être considéré comme l'utilisation d'une niche fiscale (à cause de la progressivité de l'impôt sur le revenu). En effet, avec une fiscalité des revenus du capital plus faible que ceux du travail, s'il minimise ses revenus soumis à l'impôt sur le revenu pour optimiser sa plus-value finale, il aura bénéficié d'un avantage non négligeable. Les entreprises qui font des plus-values créent-elles des emplois ?Quant à l'affirmation selon laquelle l'entrepreneur a créé des emplois, il faut la considérer avec prudence et l'examiner avec un oil critique selon les circonstances.
Ces simulations et cette analyse, certes succinctes, de différents cas de figure, montrent que tout n'est pas noir et tout n'est pas blanc et que s'il y a des pigeons chez les entrepreneurs, il y a aussi des dindons chez les salariés et chez les consommateurs. Pierre Tourev, 02/11/2012 |