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Le forum des Toupinautes
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Le forum des Toupinautes est clos depuis le 18/02/2021
Je rappelle que vous avez la possibilité de participer à la Toupie de différentes manières : Cf. la page Comment contribuer à la Toupie.
Pierre Tourev
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Forum : Sixième République
(18 messages)
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Vesporium - 2018-12-09 - 11:56
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Réponse à Denis_B : Inciter au Débat d'Idée et Faciliter l'Expression
Bonjour Denis_B et bonjour à tous,
Tout d'abord, concernant les termes (ici président, chancelier, premier ministre) j'ai pris les termes qui me semblaient les plus proches de la situation actuelle en France. La fonction d'un chancelier a été très variable dans l'histoire, c'est l'aspect fréquent de "gardien (idéalement juste, efficace, impartial) des institutions" qui me va, il est vrai que sur ce point l'Allemagne et l'Autriche sont spécifiques. Autre exemple, je déconseillais tous les postes avec des titres "royaux", la plupart des pays qui l'ont fait se retrouvant avec un poste héréditaire. D'un cas à l'autre, on a bien souvent un "président", mais son pouvoir/rôle peut être très différent. Effectivement, les termes changent d'un pays (et d'une langue) à l'autre, mais en fait peu m'importe, ce qui compte c'est de distinguer le dirigeant de l'exécutif d'une part, et le garant des institutions d'autre part (c'est lui qui n'a pas à être élu par les citoyens). Sur cette distinction, il me semble que nous sommes d'accord. Je doute que ce soit ce dernier qui aille représenter le pays et gère les affaires étrangères ; en tout cas, c'est aujourd'hui toujours (ou presque) le dirigeant de l'exécutif qui va voir les autres dirigeants.
Je pense aussi bien sûr que les partis ont leur utilité, in fine ils doivent aider justement au débat d'idées, mais celui-ci doit pouvoir se faire avec tous les citoyens. La démocratie représentative n'est nécessaire que dans le cadre de milliers voire dizaines de millions de citoyens. Je suis aussi d'avis que "la démocratie représentative n'a pas de sens si elle n'est sanctionnée que par un vote tous les cinq ans" (on pourrait déjà commencer par faire chaque année l'élection d'un autre niveau pour s'y consacrer plus particulièrement (: du type municipal, régional, national, européen, voire peut-être un jour mondial), voire même l'élection de types différents, c'est-à-dire dirigeant(s) et représentants). S'y rajoute le référendum, sur lequel j'ai justement bien dit qu'il faut suffisamment d'options claires, précises, et concrètes (je suis totalement opposé au oui/non, car on ne peut pas s'y exprimer). Certes, cela pourrait rester "trop circonstanciel, facilement influençable", mais je pense que les élections largement le sont aussi. De manière générale, je pense que ce qui doit être voté/élu (personne élue, texte voté, etc) doit correspondre à ce qui est appliqué concrètement.
À propos des citoyens tirés au sort, je m'étais déjà largement opposé à l'idée qu'ils forment le pouvoir législatif/parlementaire, car si les citoyens n'ont pas leur mot à dire sur les tirage au sort, les tirés au sort ne représenteront pas plus qu'eux-mêmes et ils ne représenteront pas les autres citoyens. En tout cas la "méthode" de tirage au sort risque de ne pas être assez légitime, avec son caractère arbitraire/aléatoire qui exige à certains de venir et empêche d'autres de venir. Donc si je vous ai bien compris Denis_B, vous proposez qu'une partie des citoyens soit tirée au sort chaque mois, pour aller voir directement les députés, c'est bien ça ? Si oui, ça me rassure par rapport à quelque chose de vraiment stochocratique. Et alors, ma principale crainte serait que l'on empêche des citoyens de venir (enfin une énorme partie des citoyens, mais en fait ça dépend du nombre de personnes et de la fréquence). Ce serait quand même mieux si les représentants "rendent compte de leurs actions et rétablissent le contact" avec l'ensemble des citoyens et pas seulement la petite proportion qui a été tirée au sort cette fois-ci.
Sur la question ou le thème "le pouvoir corrompt", et de manière générale les méthodes et objectifs des personnes de pouvoir, je vous conseille la série vidéo "La démocratie sous l'angle de la théorie des jeux" de Science for All, dans certains épisodes il parle clairement de cet aspect. Moi je n'affirmerai pas quelque chose d'aussi systématique sur ce thème "le pouvoir corrompt". Concernant l'interdiction du renouvellement des mandats, qui découle de ce postulat, ceux qui cherchent avant tout à être élu, pourraient ensuite prendre n'importe quelles décisions, même complètement à l'opposé de ce qu'ils annonçaient avant l'élection, puisque de toute façon ils ne seront pas réélus. Après on peut toujours rechercher un mécanisme permettant à ses électeurs de changer leur voix en cours même de mandat, mais dans le cadre d'une seule circonscription ça me semble compliqué.
Concernant la cohabitation, je ne l'ai pas vécue donc je ne peux vraiment affirmer que j'en suis nostalgique. Il est dommage qu'il faille en arriver à une cohabitation pour éviter "la confiscation du pouvoir par un camp ou l'autre" ou pour obtenir "même […] parfois des compromis". Effectivement, on sépare bien plus fortement le garant des institutions du chef du gouvernement, mais ce dernier étant choisi par la majorité des députés, on n'a toujours pas de séparation des pouvoirs. Aujourd'hui, les citoyens ne peuvent pas s'exprimer (institutionnellement j'entends) sur le choix du premier ministre et de son gouvernement. C'est notamment pour résoudre ce problème que, sur le forum consacré à la légitimité démocratique, je proposais ce qu'on pourrait appeler une "cohabitation par partie", permettant d'ajuster clairement le gouvernement au ministre près, de garder ceux qui conviennent et de chercher mieux pour ceux qui ne conviennent pas/plus.
En tout cas je continue de penser que le parlement devrait être un lieu de débat, et non l'assurance d'une majorité pour l'exécutif. Ce serait une expérience très intéressante de tester des propositions de loi qu'on soumet aux députés sans leur dire qui l'a fait, pour arrêter de voter pour ou contre en fonction de qui l'a écrit, dans une attitude partisane (majorité godillote, opposition systématique). D'ailleurs, on pourrait même envisager de mettre un terme au choix binaire pour/contre (ce qu'il exprime est un point à ne pas oublier pour le(s) projet(s) de société) pour les votes parlementaire aussi, et utiliser le même scrutin que pour un dirigeant. Après, il faudrait que les parlementaires œuvrent en ce sens, par exemple en arrêtant de faire émettre des milliers d'amendement (qui varient entre eux d'au moins une virgule ou un mot) par des logiciels, dans le seul but de ralentir le débat parlementaire, et non de l'améliorer par de nouvelles propositions vraiment constructives.
En conclusion, aujourd'hui, on n'a pas assez de choses mises en place pour inciter au débat d'idée, et j'essaye de proposer des choses d'une part pour rendre accessible le débat d'idée, et d'autre part pour faciliter l'expression lors du vote. Voilà j'espère que j'ai été plus clair.
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Denis_B - 2018-12-08 - 21:37
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Propositions Institutionnelles de l'Article
Vesporium, je lis toujours vos commentaires avec beaucoup d'intérêt même si je ne partage pas tout. Pour ma part je suis assez d'accord avec les propositions de Pierre, que j'ai moi-même déjà évoqué dans différents forums. J'y ajouterai le recours au tirage au sort, pour que très régulièrement (mensuellement ?), les députés rendent compte de leurs actions et rétablissent le contact avec le peuple qu'ils représentent. La démocratie représentative n'a pas de sens pour moi, si elle n'est sanctionné que par un vote tous les cinq ans. Je ne suis pas favorable au référendum, trop circonstanciel, facilement influençable, et entraînant des réponses trop tranchées (OUI, NON). Je pense aussi que le pouvoir corrompt systématiquement et que par conséquent il faut limiter au maximum (voir interdire) le renouvellement des mandats. Contrairement à vous, je pense que c'est le président qui doit être le garant des institutions (élu au suffrage indirect avec des pouvoirs limités), et qui représente la France. Peut-être que les affaires étrangères et les affaires européennes devraient lui être rattachées. Le premier ministre ou chancelier (dans certaines démocraties) est le dirigeant de l'exécutif et le chef du gouvernement. je ne fait pas de différence entre l'exécutif et le gouvernement. Comme Pierre, je pense que les partis politiques ont leur utilité, un individu seul n'offre pas plus de garantie idéologique qu'un parti; le problème est plutôt que peu de gens aujourd'hui s’arrêtent au débat d'idée, ils se contentent de quelques formules, souvent partagées en termes différents pour plusieurs candidats (rappelez- vous les tableaux comparatifs publiés à la veille de la présidentielle). J'attends moi aussi vos réponses à Léon concernant le(s) projet(s) de société(s)
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Vesporium - 2018-12-08 - 13:50
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Remarques sur les Propositions Institutionnelles de l'Article
Je vais commenter les propositions institutionnelles de la sixième république proposée par Pierre Tourev dans l'article auquel est consacré ce forum. J'approuve bien sûr l'attention portée aux modes de scrutin. Alors, juste une petite précision : le vote unique transférable (que je soutiens dans le forum sur la légitimité démocratique) est un mode de scrutin d'élection d'assemblée (donc de représentants) et non pas d'élection à un siège (donc d'un dirigeant). Si l'on utilise le même procédé que le VUT s'il n'y a qu'un siège à élire, c'est le Vote Alternatif (PR d'Irlande), mais attention le Vainqueur de Condorcet (s'il existe) peut être éliminé avant le dernier tour. Bref, c'est pourquoi le jugement majoritaire (qui est en fait plus simple pour les électeurs car ils ne doivent pas classer chaque candidat par rapport aux autres, ce qui d'ailleurs n'échappe pas au théorème d'Arrow) me semble meilleur pour le premier tour, et un second tour par une méthode de Condorcet entre ceux ayant obtenu la meilleure mention majoritaire permettrait d'élire le vainqueur de Condorcet s'il existe. Il y a de très bonnes explications en détail sur les élections à 1 siège dans 3 articles du CNRS écrits par Rémi Peyre : I. La Démocratie, Objet d'Étude Mathématique, II. Et le Vainqueur du Second Tour est..., III. La Quête du Graal Électoral.
Dans les propositions de l'article pour une sixième république, il est proposé, pour le président de la république, "une fonction réduite à la représentation de la nation, à la promulgation des lois et à veiller à leur constitutionnalité" : en fait, le problème actuel est justement qu'une même personne sert à la fois de dirigeant et à la fois de garant des institutions. On voit de plus en plus ce problème par exemple pour les présidents de la République Tchèque et de la Turquie. La critique de ce double rôle est aussi fait par une partie des royalistes (certains d'entre eux n'hésitent pas à s'en prendre à la "monarchie républicaine"), mais le terme de roi est assez massivement rejeté à cause de ses antécédents et du risque de l'aspect héréditaire, qui n'est pas du tout adapté aux personnes en question, puisqu'on prend untel parce que c'est le fils de untel, qui lui-même... alors que le pays compte des millions d'autres personnes qui pourraient être mieux adaptées à cette fonction de garant des institutions, non élue par les citoyens, que j'avais proposé sous le terme de chancelier (mais enfin ce qui compte c'est le concept) à la fin de mon commentaire du 25 juillet pour la partie institutions de contrôle politique.
Que ce soit le garant des institutions (que j'appelais chancelier), le dirigeant de l'exécutif (que j'appelais président), celui du gouvernement (premier ministre) ou le gouvernement de manière générale, le faire reposer de manière systématique sur la majorité parlementaire me paraît dangereux, où est la séparation des pouvoirs ? Il semble aussi qu'il faut attendre d'obtenir une majorité absolue, c'est-à-dire de vote pour à une personne ou à une équipe gouvernementale candidate, et non pas relative comme dans tout vote populaire (ce qui équivaudrait au vote par approbation qui n'élirait qu'un candidat obtenant plus de 50% en valeur absolue et non relative à l'autre candidat sélectionné au second tour). Ce principe d'être approuvé par la majorité parlementaire, est d'ailleurs un aspect essentiel de la IVème république (mais on la retrouve dans un grand nombre d'institutions dans l'histoire contemporaine et dans le monde, par exemple sous la Vème république il s'applique mais on ne le voit du fait qu'il y a peu de différences dans les résultats entre les circonscriptions), même si les partisans des circonscriptions préfèrent l'attaquer sur la trop forte "proportionnalité" du scrutin proportionnel de liste, alors même que la coalition de la Troisième Force au pouvoir avait fait passer la loi dite des apparentements, qui est en fait une variante du "winner takes all".
Je serais bien sûr très favorable au vote unique transférable pour les élections d'assemblée, ayant déjà écrit sur les problèmes selon moi du scrutin de liste. Le problème du scrutin de liste c'est sa composition, auquel on peut d'ailleurs adjoindre plus ou mins de lois discriminantes à côté de la plaque qui veulent vous "représenter" en fonction de votre sexe, votre catégorie socio-professionnelle, etc. Bien sûr je ne critique pas la proposition de l'article puisqu'il ne le précise pas, mais je rappelle quand même d'éviter ce genre de dérives, qui selon moi refusent de reconnaître la complexité du monde. De manière générale, je suis tout à fait d'accord avec Léon qu'il faut "un projet qui tienne réellement compte des limites, des lois de la nature et de la physique". Pierre Tourev, vous proposez que les députés soient choisis par les partis politiques, or (bon je sais je me répète) les groupes (et par extension les organisations et donc toute personne dite "morale") n'ont pas de volonté, seuls les individus ont une volonté, et cela pour des raisons purement techniques, biologiques, physico-chimiques. Il s'agirait donc vraisemblablement dans ce cas de s'en remettre aux règles du parti, ou alors de laisser le(s) chef(s) de parti(s) faire ce qu'ils veulent. Donc pour ces raisons, je doute qu'il soit si "facile de connaître l'histoire, les forces et les faiblesses d'une organisation".
D'ailleurs, par exemple au Brésil, il est nécessaire d'être membre d'un parti politique pour se présenter à une élection, ce qui incite ceux qui veulent être candidats à rejoindre un parti, mais incite aussi ces mêmes dirigeants de partis, en position de force, à exiger beaucoup (trop ?) de ceux qui veulent les rejoindre. Ces derniers finissent de temps en temps par créer leur propre parti, ou passent leur temps à changer de parti. On a donc un paysage politique fait d'une multitude de partis plus ou moins sans idéologie (sauf s'il s'agit de soutenir le président, donc le PSDB sous Fernando Henrique Cardoso, puis le PT sous Luiz Inacio Lula da Silva), formés à la va-vite en accolant au choix "social(iste)", "travailliste", "démocrat(iqu)e", "libéral", "conservateur", "(re)constructeur", "national", "républicain", "progressiste", "chrétien", "populaire", etc, après le mot "parti", partis qui changent d'alliance à chaque élection en se ralliant au plus offrant. Les partis les plus fragiles peuvent se faire d'ailleurs complètement infestés, c'est ce qui est arrivé tout récemment au Partido Social Liberal, un petit parti modéré sans vraie idéologie, qui n'avait déjà de social-libéral que le nom. Le PSL avait soutenu la candidature de Dilma Rousseff en 2010, puis celle de Marina Silva en 2014, puis avait soutenu la destitution de la présidente réélue Dilma Rousseff en 2016. Le député Jair Bolsonaro était parvenu à y entrer, et avec ses troupes à l'infester complètement, de telle sorte qu'il devient désormais le gros parti d'extrême-droite chargé de faire passer tout ce que va vouloir ce nouveau président et son futur gouvernement.
Mais une organisation peut très vite changer même sans les règles en vigueur au Brésil : on le voit souvent sur le court terme en fonction des différentes stratégies testées dans des buts électoralistes. A plus long terme on a l'exemple des États-Unis (dans lesquels les cas de VUT aux élections locales avaient finalement été abrogées par les majorités locales sous prétexte que cela avait permis l'élection d'un "afro-américain" dans un cas, d'un "communiste" dans un autre) où le Grand Old Party (dit républicain) s'était formé sur les ruines du Parti Whig (d'opposition au président DP Andrew Jackson, que semble admirer le président GOP Donald Trump) par des dissidents nordistes notamment anti-esclavagistes. Le Democrat Party et le Grand Old Party vont en fait échanger leurs places au cours du XXème siècle.
De plus, il faut voir comment cela est "encadré par des règles [...] de probité", car ce genre d'argument est malheureusement utilisé par certains politiques pour restreindre leurs opposants, je pense par exemples à quelques candidats HDP (Parti Démocratique des Peuples, gauche pro-kurde en Turquie, ~10%) qui sont emprisonnés (et réélus !) comme leur candidat Selahattin Demirtas, ou de manière plus massive l'ensemble des députés du KPD par Hitler en 1933 pour permettre aux députés du NSDAP d'obtenir mécaniquement la majorité de facto. Il faut donc soit prévoir de les remplacer par leur suppléant respectif, soit de leur permettre de continuer d'exercer entièrement leurs droits de députés même en prison, ce qui peut s'avérer compliqué.
La première partie rappelle à raison que si untel est élu dans une élection à 1 siège, c'est par rapport aux autres options proposées (c'est pourquoi je cherche à donner la possibilité d'un choix riche et varié d'options proposées en utilisant des mécanismes institutionnels qui y incitent). Pourtant c'est aussi le cas pour les élections d'assemblée. Par exemple, aux législatives italiennes de 2018, certains électeurs qui voulaient surtout empêcher le Movimento 5 Stelle d'être au pouvoir, ont voté pour le candidat local de la coalition de droite, parfois pour Lega, tandis que d'autres électeurs qui voulaient surtout empêcher la coalition de la droite et particulièrement Lega d'être au pouvoir, ont préféré voter Movimento 5 Stelle plutôt que Partido Democratico (une sorte de vote utile donc). Chacun de ces 2 profils d'électeurs se retrouvent avec ceux qu'ils voulaient empêcher d'être au pouvoir, et finalement ils sont comptés comme représentés dans la majorité parlementaire, celle qui a permis la constitution de ce gouvernement M5S-Lega.
Et par pitié, ne mettez pas de seuils (ni de dose, ni de primes) ! D'ailleurs la Cour Constitutionnelle d'Allemagne a enfin admis en 2011 et en 2014 son inconstitutionnalité pour les élections européennes (pour les élections du Bundestag, la pression politicienne des résultats semble trop forte), voir l'article « La démocratie n'a pas besoin de seuil électoral » qui a raison de se méfier des seuils « naturels ». Le principe de « seuil artificiel » sanctionne certains électeurs en transférant leurs voix (ou en les ignorant) sous prétexte qu'ils ont osé "voter pour des listes qui n'ont même pas eu x%" même si cela représente plusieurs sièges. En Turquie, il existe un seuil de 10% au niveau national aux législatives (conjugué à des élections par circonscriptions, ce qui est plutôt contradictoire) : donc par exemple en 2002, avec 34,3% l'AKP a raflé la majorité du parlement, avec 19,4% le CHP s'est imposé comme unique opposition parlementaire, quant au DYP (9,5%), au MHP (8,4%), au GP (7,2%), au DEHAP (6,2%), à l'ANAP (5,1%), au SP (2,5%), au DSP (1,2%) ont chacun obtenu 0 députés, donc 40% des voix des électeurs ont été ignorées/modifiées par le seuil. Alors bien sûr certains se réjouissent de l'arrivée au pouvoir d'Erdogan comme premier ministre de la majorité AKP, d'autres de l'absence parlementaire du MHP, d'autres du DEHAP (ancêtre du HDP), etc. Peut-on vraiment qualifier cela de "proportionnel intégral" (ou de représentatif) ? Imaginez une élection avec 11 listes plus ou moins au coude-à-coude (donc environ de 8% à 10% chacune) et un seuil de 10%, eh bien si 2 listes dépassent les 10%, elles obtiennent chacun la moitié de l'hémicycle ! si 1 seule liste dépasse les 10%, elle obtient seule la majorité absolue et même raffle tous les sièges ! et si aucune liste n'obtient les 10% (c'est possible dès que le nombre d'options possibles (listes candidates ici) dépasse l'inverse de la proportion du seuil (ici, 11>1/0,1) on fait comment ? Donc en conclusion, dans une élection qui élit une ou des personnes physiques (députés en l'occurrence), il faut demander aux électeurs de juger et/ou de classer des personnes. Mais élire un dirigeant et des représentants ne me semble pas suffisant. Il faut pouvoir s'exprimer en tant que citoyen, car on est directement impacté par les décisions politiques qui seront prises (c'est un point que je reprendrai pour le « projet de société » que demandait Léon). Cela peut se faire d'une part de manière publique, ce que je proposai avec mon CSC, mais aussi le fameux site internet.
D'autre part, la question des référendums est intéressante, mais il faut à la fois organiser leur objet, les solutions proposées, et le mode de scrutin ; sur ce point, il faut sortir du choix binaire OUI VS NON dont les conséquences ne sont jamais définies. Prenons un cas concret : le référendum sur le Brexit qui a été proposé par David Cameron entre autres pour que son partie Tory gagne des voix et remporte la majorité seul, c'est-à-dire sans les Lib-Dems, que les Tories avaient trahis à de multiples reprises depuis leur gouvernement commun à partir de 2010 ; référendum dans lequel David Cameron avait annoncé démissionner si le "Leave" dépassait le "Remain", ce qui a incité les électeurs qui voulaient voir Cameron démissionner à voter "Leave". Le type de choix actuel pour un référendum, c'est comme si lors d'une interview, on ne pouvait que dire "oui", "non", quitter l'interview sans un mot (abstention) rester et se taire (vote blanc), toute explication/argumentation étant considérée comme vote nul. Si le Brexit traîne, c'est justement parce que les 2 solutions possibles du référendum étaient : Leave VS Remain (Partir VS Rester, sous-entendu de l'UE) et qu'on n'y voyait pas les conséquences concrètes. Pour cela il faudrait de manière générale que les solutions soient, si possible, un nombre assez important (de ce point de vue la Nouvelle-Zélande a raison de proposer plein de possibilités mais à tort de donner un statut spécial à l'option « ne pas changer ») de lois ou autres objets juridiques déjà entièrement rédigés et vérifié par le conseil constitutionnel ou équivalent (de ce point de vue le récent référendum à Guernesey a été bien fait). Ainsi le résultat final (après jugement majoritaire au premier tour, et méthode de Condorcet au second tour, comme je le propose pour les élections à 1 siège, c'est le cas ici des référendums car il n'y a qu'une option gagnante) serait l'application tout simplement de la solution adoptée, qui d'ailleurs pourrait intégrer sa propre mise en œuvre. Dans mon esprit, ce sont aux ministres (ou équivalent) d'organiser les objets de ces référendums, dans leurs thèmes de spécialité.
Si ça vous intéresse, j'ai trouvé en novembre une série très intéressante qui va vraiment loin : "La démocratie sous l'angle de la théorie des jeux" de Science for All, bon je n'ai vu qu'une partie, je n'approuve donc pas tout ce qui y est dit, mais la réflexion me semble intéressante. Léon 65, je sais que je n'ai pas (encore) répondu à votre question sur le(s) projet(s) de société(s) depuis le mois d'octobre. J'avais il y a plusieurs semaines préparé une réponse mais je ne l'avais pas enregistré et je l'avais perdu. Mais bon bref rassurez-vous depuis j'avance dans ces recherches. Et je compte aussi répondre par la même occasion à la question de la cohabitation à Denis_B dans pas trop longtemps.
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Léon - 2018-12-07 - 13:46
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L'urgence est à décoloniser les imaginaires
Je ne suis pas CONTRE la Sixième République, il reste juste à voir ce qu'on va y mettre dedans.
S'il s'agit, comme le suggère Pierre, "déjà de vérifier si la majorité des Français est favorable au libéralisme / capitalisme dérégulé ou se retrouve dans un autre projet de société". .. on peut déjà s'appuyer sur ce que disent tous ces sondages. ...
... voir la suite de L'urgence est à décoloniser les imaginaires
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Catherine - 2018-12-06 - 16:27
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Propositions
Bonjour Monsieur Tourev,
Je viens de découvrir "la Toupie" et suis agréablement surprise : à la fois par la clarté et l'intelligibilité de vos propos : c'est un peu ce qu'il nous manque, à nous les Gilets Jaunes.
J'ai lu en particulier votre texte sur la réforme de la constitution, et adhère à 200 %. J'ajouterais à l'assemblée un collège renouvelable d'"ombudsman" (issus de la société civile, comme les jurés) qui veilleraient au bon déroulement démocratique des séances, et aussi un suffrage censitaire avec une participation financière symbolique pour chaque citoyen, 1 euro. Cela responsabiliserait les gens et générerait de la trésorerie pour l'état.
Vous avez raison, les gens ont été abêtis, à coups de séries, de téléachats et de BFMtv...
Le problème est très grave et très profond, et le modèle de société vers lequel nous nous acheminons ressemble de plus en plus à une prison : les citoyens "référents" ou "vigilants", les voitures radar banalisées, les traques des gendarmes parfois dignes de Louis de Funes, en moins drôle car cela nous coûte 90 euros, l'évaluation systématique de nos pairs : restaurateur, hôtelier, commerce... sur des applications mobiles rapides et pratiques. Déçu. Citoyenneté du temps et tyrannie de l'éphémère... désolée, je ne sais plus qui a dit cela.
Donc un énorme chantier nous attend (du moins je l'espère car j'avoue ressentir un peu de peur aux tréfonds de mon être).
Encore une fois, je suis heureuse d'avoir trouvé la Toupie, en faisant une recherche sur les conséquences de la sortie de l'euro.
J'espère ne pas vous avoir lassé, et vous remercie de votre attention.
Bien cordialement
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Pierre Tourev - 2018-12-05 - 20:43
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à Léon
Mon article ne traite que de l'un des aspects du problème, le rejet de plus en plus marqué de la classe politique par une grande partie de la population (abstention, désintérêt pour les parties politiques, gilets jaunes). Comme vous le dites, le problème est plus profond. Cependant une meilleure représentativité des citoyens permettrait déjà de vérifier si la majorité des Français est favorable au libéralisme / capitalisme dérégulé ou se retrouve dans un autre projet de société.
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Vesporium - 2018-12-04 - 21:30
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Quelques Remarques sur la Méthode du Vote et sur les Institutions
Juste une petite précision concernant l'article auquel est consacré ce forum, dans lequel Pierre Tourev, vous proposez d'autres mécanismes institutionnels, j'approuve bien sûr l'attention portée aux modes de scrutin. Le vote unique transférable (que je soutiens dans le forum sur la légitimité démocratique) est un mode de scrutin d'élection d'assemblée (donc de représentants) et non pas d'élection à un siège (donc d'un dirigeant). Si l'on utilise le même procédé que le VUT s'il n'y a qu'un siège à élire, c'est le Vote Alternatif (PR d'Irlande), mais attention le Vainqueur de Condorcet (s'il existe) peut être éliminé avant le dernier tour. Bien sûr, je serais très favorable au VUT pour les élections d'assemblée, ayant déjà écrit sur les problèmes selon moi du scrutin de liste.
Et par pitié, pourquoi vouloir mettre des seuils : d'ailleurs la Cour Constitutionnelle d'Allemagne a enfin admis son inconstitutionnalité pour les élections européennes (pour les élections du Bundestag, la pression politicienne des résultats semble trop forte). Ce principe sanctionnent certains électeurs en transférant leurs voix (ou en les ignorant) sous prétexte qu'ils ont osé "voter pour des listes qui n'ont même pas eu x%" même si cela représente plusieurs sièges. En Turquie, il existe un seuil de 10% au niveau national aux législatives (conjugué à des élections par circonscriptions, ce qui est plutôt contradictoire) : donc par exemple en 2002, avec 34,3% l'AKP a raflé la majorité du parlement, avec 19,4% le CHP s'est imposé comme unique opposition parlementaire, quant au DYP (9,5%), au MHP (8,4%), au GP (7,2%), au DEHAP (6,2%), à l'ANAP (5,1%), au SP (2,5%), au DSP (1,2%) ont chacun obtenu 0 députés, donc 40% des voix des électeurs ont été ignorées/modifiées par le seuil. Alors bien sûr certains se réjouissent de l'arrivée au pouvoir d'Erdogan comme premier ministre de la majorité AKP, d'autres de l'absence parlementaire du MHP, d'autres du DEHAP (ancêtre du HDP), etc. Peut-on vraiment qualifier cela de "proportionnel intégral" (ou de représentatif) ?
D'autre part, la question des référendums est intéressante, mais il faut à la fois organiser leur objet, les solutions proposées, et le mode de scrutin ; sur ce point, il faut sortir du choix binaire OUI VS NON dont les conséquences ne sont jamais définies. Prenons un cas concret : le référendum sur le Brexit qui a été proposé par David Cameron entre autres pour que son partie Tory gagne des voix et remporte la majorité seul, c'est-à-dire sans les Lib-Dems, que les Tories avaient trahis à de multiples reprises depuis leur gouvernement commun à partir de 2010 ; référendum dans lequel David Cameron avait annoncé démissionner si le "Leave" dépassait le "Remain", ce qui a incité les électeurs qui voulaient voir Cameron démissionner à voter "Leave". Un choix binaire pour un référendum, c'est comme si dans toutes les interview, on ne voulait que dire "oui", "non", quitter l'interview sans un mot (abstention) rester et vous taire (vote blanc), toute explication/argumentation étant considérée comme vote nul. Si le Brexit traîne, c'est justement parce que les 2 solutions possibles du référendum étaient : Leave VS Remain (Partir VS Rester, sous-entendu de l'UE) et qu'on n'y voyait pas les conséquences concrètes. Pour cela il faudrait de manière générale que les solutions soient, si possible, un nombre assez important de lois ou autres objets juridiques déjà entièrement rédigés et vérifié par le conseil constitutionnel ou équivalent. Ainsi le résultat final (après jugement majoritaire au premier tour, et méthode de Condorcet au second tour, comme je le propose pour les élections à 1 siège, c'est le cas ici des référendums car il n'y a qu'une option gagnante) serait l'application tout simplement de la solution adoptée, qui d'ailleurs pourrait intégrer sa propre mise en oeuvre. Dans mon esprit, ce sont aux ministres (ou équivalent) d'organiser les objets de ces référendums, dans leurs thèmes de spécialité.
Faire reposer le gouvernement sur la majorité parlementaire de manière systématique me paraît dangereux, où est la séparation des pouvoirs. Il semble aussi qu'il faut attendre d'obtenir une majorité absolue, c'est-à-dire de oui à tel résultat, et non pas relative comme dans tout vote populaire (ce qui équivaudrait au vote par approbation qui n'élirait qu'un candidat obtenant plus de 50% en valeur absolue et non relative à l'autre candidat sélectionné au second tour), ce qui est d'ailleurs un aspect essentiel de la IVème république, même si les partisans des circonscriptions préfèrent l'attaquer sur la trop forte "proportionnalité" du scrutin proportionnel de liste, alors même que la coalition de la Troisième Force au pouvoir avait fait passer la loi dite des apparentements, qui est en fait une variante du "winner takes all".
La première partie rappelle à raison que si untel est élu dans une élection à 1 siège, c'est par rapport aux autres options proposées (c'est pourquoi je cherche à donner la possibilité d'un choix riche et varié d'options proposées en utilisant des mécanismes institutionnels qui y incitent). Pourtant c'est aussi le cas pour les élections d'assemblée. Par exemple, aux législatives italiennes de 2018, certains électeurs qui voulaient surtout empêcher le Movimento 5 Stelle d'être au pouvoir, ont voté pour le candidat local de la coalition de droite, parfois pour Lega, tandis que d'autres électeurs qui voulaient surtout empêcher la coalition de la droite et particulièrement Lega d'être au pouvoir, ont préféré voter Movimento 5 Stelle plutôt que Partido Democratico (une sorte de vote utile donc). Chacun de ces 2 profils d'électeurs se retrouvent avec ceux qu'ils voulaient empêcher d'être au pouvoir, et finalement ils sont comptés comme représentés dans la majorité parlementaire, celle qui a permis la constitution de ce gouvernement M5S-Lega.
Si ça vous intéresse, j'ai trouvé en novembre une série très intéressante qui va vraiment loin : "La démocratie sous l'angle de la théorie des jeux" de Science for All, bon je n'ai vu qu'une partie, je n'approuve donc pas tout ce qui y est dit, mais la réflexion me semble intéressante. Léon 65, je sais que je n'ai pas (encore) répondu à votre question sur le(s) projet(s) de société(s) depuis le mois d'octobre. J'avais il y a plusieurs semaines préparé une réponse mais je ne l'avais pas enregistré et je l'avais perdu. Mais bon bref rassurez-vous depuis j'avance dans ces recherches. Et je compte aussi répondre par la même occasion à la question de la cohabitation à Denis_B dans pas trop longtemps.
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Léon - 2018-12-03 - 17:34
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Sixième République
Bonjour Pierre.
Dans votre article vous dites : "Et pourtant les hommes politiques français n'ont pas de raison d'être pires que ceux des autres pays. Le mal vient d'ailleurs"
Bien entendu le mal est profond, il est même très profond. Et les hommes (et les femmes) politiques ne sont finalement que des hommes et des femmes, à notre image.
Le mouvement des gilets jaunes révèle une foule de problèmes, tous intimement liés. Leurs revendications, dont un certain nombre devraient s’écrire entre guillemets, pointent directement certains de ces problèmes. Quant aux autres, bien plus profonds, il ne suffit pas d'écouter les gilets jaunes, il faut longuement réfléchir. Nous savons que l'augmentation du prix des carburants n'aura été que la goutte qui aura fait déborder le vase, la coupe était pleine depuis longtemps. Demandons pourquoi.
Je ne pense pas qu’il suffise de changer de Constitution ou de rendre leur légitimité démocratique à ceux qui nous gouvernent pour régler tous ces problèmes. J’ai longuement échangé sur ce sujet avec Vesporium, il y a longtemps que je dis que nous n’avons aucun projet de société, et il y a longtemps que je dis aussi que nous arrivons à la fin. Non pas la fin du monde, mais la fin d'un monde. La fin de notre civilisation.
Alors je sais que cette idée est difficile à accepter et ce quel que soit le côté où on se place. D’un côté on dit vouloir "sauver" le climat, la planète (qui n’a pas besoin de nous pour se sauver) et en même temps, on veut continuer à prospérer, à se développer, toujours plus. Déjà là il y aune énorme incohérence. Rajoutons une bonne dose d’hypocrisie et de déni de réalité, et un zeste de mépris pour la piétaille et je vous laisse deviner la suite. Nous y sommes. D’un autre côté, on a beau être conscient de s'être embourgeoisé (un peu, beaucoup, à la folie... ou pas du tout), il suffit pour ça de se rappeler comment ont vécu nos parents, et il suffit de voir le reste du monde... on a beau savoir également pour l'état de la planète, pour la fin du monde ... on a peut-être du mal à le croire, mais ça c'est un autre problème... mais en attendant on a besoin de boucler les fins de mois, toujours plus difficiles.
Depuis le temps que je planche sur LE PROBLÈME, je vois bien que quel que soit le côté où on l’aborde, quel que soit le côté où on croit pouvoir le résoudre, il n’y a pas de solution. Nous sommes bel et bien plantés, tous autant que nous sommes.
Après on peut toujours se consoler... en se faisant croire n’importe quoi... en attendant. En attendant l’Effondrement, le Crash, la Cata, qui de toute façon a déjà commencé. On peut par exemple se dire que s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème.
Nous devrions tous, Macron le premier, nous inspirer de ces stupides Shadoks. En attendant.
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