Avant de réfléchir au plafonnement de l’héritage, je propose de réfléchir à ce qu’est la propriété.
L’histoire de la propriété est une vieille histoire, qui remonte à la préhistoire.
Au paléolithique la Terre était vaste, il faut dire qu’il n’y avait pas grand monde, les hommes étaient chez eux partout, et en même temps nulle part. À cette époque ils étaient cueilleurs-chasseurs, ils migraient au gré des saisons. Au fil du temps ils avaient développé des habitudes, des bonnes et des mauvaises, mais disons que l’un dans l’autre ils s’en tiraient plutôt bien. Bien sûr leur monde n’était pas celui des Bisounours, mais plutôt des mammouths. Bien sûr il y avait quelques querelles, par exemple au sujet d’un mammouth : "C’est moi qui l’ai vu le premier !" - "non c’est moi !" - "non c’est pas vrai !" - "si c’est vrai !" Alors vlan, pif paf pouf, quatre gentils coups de gourdins et chacun repartait de son côté. Je laisserais de côté ces querelles que nous observons également chez d’autres groupes de cueilleurs-chasseurs-reproducteurs du monde animal, au sujet des femelles : "C’est moi qui l’ai senti le premier !" - "non c’est moi !" Vlan pif et paf et chacun savait à quoi s’en tenir. Même la femelle, l’objet de la discorde.
Vers la fin du paléolithique les choses se corsent, les groupes ont leurs habitudes bien enracinées, leurs quartiers d’été et d’hiver. Du coup ils se chamaillent de plus en plus sur le meilleur emplacement pour planter la tente : "J’étais là le premier !" - "non c’est moi !" Faut dire aussi qu’ils étaient devenus un peu plus nombreux. Alors les coups de gourdins font place à de méchants coups de haches, de silex. C’est à cette époque que les hommes inventent la guerre.
Peu de temps après, avec la sédentarisation au néolithique ils inventent l’agriculture, l’élevage et enfin... la propriété.
Ceux qui avaient les plus gros gourdins et les plus dures haches s’accaparent des espaces qui depuis des millénaires étaient à tous. Du jour au lendemain ceux qui avaient les plus gros atouts ont décrété : "Désormais ceci est MON champ, ceci est MA chèvre, et ceci est MON gros gourdin !"
Bien sûr, les groupes encore nomades ont tenté de résister. Pif et paf et la plupart se sont adaptés. On dit qu’ils ont été acculturés. Toutefois pas tous, il en reste encore quelques-uns de nos jours, mais pas pour longtemps.
Puis est survenu un autre changement dans leurs habitudes, et non des moindres. En peu de temps ces modestes paysans ont pris conscience du pouvoir qu’ils avaient sur la nature, ils étaient désormais capables de transformer physiquement des plantes, des animaux. Cette prise de conscience leur est probablement montée à la tête... à partir de là ils ont commencé à se croire plus fort que tout. Et puis les siècles passèrent.
Alors que pendant des dizaines de millénaires les groupes nomades savaient parfaitement se contenter de ce qu’ils trouvaient, et que les premiers groupes sédentarisés savaient eux-aussi se contenter du peu qu’ils possédaient, leurs modestes champs, leurs modestes chèvres, leurs modestes femmes... soudainement leur est apparu un nouveau besoin. Désormais il leur en fallait plus, toujours plus. Toujours plus de conquêtes, de terres, de chèvres, de femmes, d’esclaves, d’apparats, de richesses, de pouvoir etc. etc.
Ensuite, nul besoin de raconter l’Histoire, chacun la connait : Pif-paf pan-pan-pan et boum-boum !! et toujours plus.
Et c’est ainsi qu’aujourd’hui nous en sommes là, à braire ce que nous pensons être tellement évident. Du genre : " La France est MON pays ! Je suis chez MOI ! Je suis très fier de vous présenter MA femme, MON homme, MES employés, fier de vous accueillir dans MA propriété, de vous faire essayer MA bagnole... " etc. etc.
Il n’empêche que dès le départ la propriété repose sur le vol.
C’est d’ailleurs ce qu’affirmait Proudhon : "la propriété, c’est le vol."
Léon 65, 2017-11-15
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