Je viens de tomber hier soir sur le fameux vote de la SDN de 1922 sur la proposition "utiliser l'espéranto comme langue de travail additionnelle de l'institution" :
Afrique du Sud, Albanie, Belgique, Chine, Colombie, Finlande, Indes (comprenait à l'époque les actuels Inde, Pakistan, et Bangladesh), Japon, Perse (qui prend le nom d'Iran en 1934), Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie, et Venezuela, étaient tous 13 pour (apparemment 10 d'entre eux avaient alors 1 délégué chacun pouvant voter sur la résolution à la SDN). La somme de ces 13 états représentait à l'époque 50 % de la population mondiale (d'après www.populstat.info).
Puis bien sûr le tour est passé au délégué français (Gabriel Hanotaux) qui a posé son veto faisant échouer le projet, car selon lui la langue française allait forcément devenir la langue internationale grâce à son "rayonnement colonial".
Mais apparemment à la même époque, la France s'occupait à promouvoir dans ses armées coloniales le français-tirailleur, une langue construite suivant le même genre de principes que l'espéranto, mais avec des motivations aux antipodes de son initiateur Ludwig Lazarz Zamenhof.
Et la France a même "fait interdire officiellement l'enseignement de l'espéranto dans les écoles au prétexte qu'une langue artificielle ferait perdre le goût des humanités gréco-latines à la jeunesse" (voir à ce sujet l'article "Circulaire Léon Bérard (03/06/1922)" sur esperanto-france.org/la-circulaire-jean-zay).
Je copie ci-dessous la suite des réactions des gouvernements vis-à-vis de l'espéranto dans les décennies qui suivent :
"En France, le ministre de l'instruction publique interdit, en 1922 la mise à disposition des locaux scolaires pour son enseignement, ce en quoi il sera imité en 1935 par le ministre de l'éducation du Troisième Reich, Adolf Hitler ayant critiqué l'espéranto dans un discours.
Eugène Lanti est le principal fondateur de l'association mondiale anationale (SAT). À Cassel, en 1923, se tient sous la présidence d'honneur d'Albert Einstein le IIIe congrès de l'Association mondiale anationale (SAT), organisation à caractère socio-culturel et à vocation émancipatrice fondée à Prague en 1921 et dont la langue de travail est l'espéranto. Quarante-deux savants de l'Académie des sciences émettent la même année un voeu en faveur de son enseignement en tant que « chef-d'oeuvre de logique et de simplicité ».
L'interdiction française est annulée en 1924 par le gouvernement d'Édouard Herriot. L'essor est important dans certains pays. Le linguiste anglais Edward Thorndike constate au début des années 1930 que l'espéranto est aussi répandu que l'allemand en Union soviétique. Il est la principale activité culturelle de Laponie, sur la ligne ferroviaire de Lulea à Narvik.
Des entraves à l'extension de la collectivité espérantophone apparaissent, parfois même avant les années 1930, comme au Portugal et en Roumanie. Des interdictions et même des persécutions le frappent pour longtemps au fur et à mesure que les régimes totalitaires gagnent l'Europe et le monde, à partir de 1933 en Allemagne et des purges staliniennes en URSS. Dimitri Snejko est le premier espérantiste russe à être arrêté en URSS, à Minsk, le 5 février 1936. Il ne sortira du goulag qu'en 1955 et mourra en 1957.
1938 : le ministre de l’Instruction publique Jean Zay souhaite faciliter l’étude de l’espéranto.
En France, le Syndicat national des instituteurs émet un voeu en faveur de son enseignement en 1932 et un autre en 1937. Député du Rhône, Maurice Rolland dépose en 1935 une proposition de résolution « tendant à inviter le gouvernement à introduire la langue internationale espéranto dans les programmes de l'enseignement public ». L'intérêt de son application dans diverses sphères d'activités est argumenté à l'occasion d'une conférence internationale qui se tient à Paris en 1937 dans le cadre de l'Exposition internationale des Arts et des Techniques dans la vie moderne. Il en résulte que le ministre de l'Instruction publique Jean Zay estime souhaitable d'en faciliter l'étude. Son enseignement est admis dans le cadre des activités socio-éducatives par une circulaire ministérielle du 11 octobre 1938, dont le texte est toujours valide.
Impact de la Seconde Guerre mondiale :
Pour Hitler, l'espéranto est une langue représentant la conspiration juive et la franc-maçonnerie ; pour Staline, il est lié au cosmopolitisme bourgeois. Dans les années 1940, ces deux hommes exercent le pouvoir sur la quasi-totalité de l'Europe continentale. L'espéranto est interdit, ses stocks de livres sont liquidés, bon nombre de ses partisans sont enfermés dans les camps de concentration. Au Japon, en Chine, en Espagne, au Portugal, les régimes au pouvoir pratiquent à son égard une politique moins violente, mais qui va dans le même sens.
La Seconde Guerre mondiale a des effets nettement plus importants que la première sur la collectivité espérantophone et la laisse exsangue. La durée du coup de frein qui a interrompu son élan peut être globalement estimée à l'équivalent d'une génération. Le relèvement est d'autant plus difficile que la guerre froide entrave les échanges, et l'anglais s'impose peu à peu comme langue internationale."
Source : ede-france-discussions, article "histoire de l'espéranto" et "espérantie" sur Wikipédia (ce dernier pour le passage cité).
Ah oui vous pouvez aussi lire les arguments sur le débat du Drenche de mai 2019 entre d'une part Conor Clyne, ancien avocat de la Commission Européenne et polyglotte fondateur de la chaîne YouTube "Conor Clyne - Tsar Experience" (contre l'adoption de l'espéranto pour l'UE), et d'autre part Seon O Rian, adjoint au chef de mission de l'ambassade d'Irlande en Autriche (pour l'adoption de l'espéranto pour l'UE).
Vesporium, 2019-06-27
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