Quelques pistes pour lutter contre le FNet accessoirement contre les théories du complotA la veille de l'élection présidentielle de 2017, on ne peut que déplorer l'échec de la classe politique française pour enrayer la montée du Front national. Dans un précédent article intitulé Le Front national : Est-ce un parti fasciste, populiste, nationaliste, poujadiste ou d'extrême droite ?, je concluais ainsi : L'attitude qui consiste pour le FN à se présenter comme victime de complots, comme une forteresse assiégée par des élites conspirationnistes, produit sur son électorat un effet paradoxal. Toute critique argumentée et recevable contre le parti, contre son programme ou contre ses dirigeants provoque l'effet inverse de celui qui était espéré. La critique est perçue comme l'une des manifestations du complot. Elle renforce l'idée que le complot existe bien et donc que le parti avait raison de le dénoncer et donc que la critique est infondée. On trouve des comportements similaires dans les sectes et dans la paranoïa.Ce constat pourrait inciter à baisser les bras, à laisser faire sans réagir, et attendre qu'une fois au pouvoir le parti "national populiste" d'extrême droite fasse la démonstration de l'impasse dans lequel il conduirait la France. Mais cinq ans, c'est long et l'on a vu où cela a conduit l'Europe de la première moitié du XXe siècle. Quelle conduite tenir face à un parti (1) qui s'est enfermé dans un système de pensée "antisystème" et qui se présente comme victime de conspirations de la part de ce système, de ses élites, de ses médias ? ... qui considère la France comme victime de l'énarchie, des institutions européennes, des musulmans en train de l'envahir, de telle corporation ou groupe d'individus, transformés en autant de boucs-émissaires ? Avec une telle posture, les critiques classiques s'avèrent sans effet sur les militants et les personnes déjà convaincues par l'idéologie du parti. Au contraire, elles renforcent leurs convictions. En psychologie cognitive, c'est ce qu'on appelle l'effet retour de flamme ou effet boomerang (2) : Une croyance initiale est renforcée en présence de preuves pourtant contradictoires ou invalidantes. On peut distinguer deux types d'actions, le premier visant à ralentir ou arrêter l'afflux de nouveaux adhérents ou électeurs, le second à amener les militants et les personnes déjà convaincues à revoir leurs positions, ce qui est autrement plus difficile. Ralentir l'afflux de nouveaux adhérents ou électeursJe me contenterai d'en lister quelques-unes sans les développer.
Amener les militants et les personnes déjà convaincues à revoir leurs positionsLes experts se montrent circonspects quant à la possibilité de faire évoluer le point de vue de ceux qui sont à l'origine d'une théorie du complot, de ceux qui les relaient ainsi que de ceux qui y croient fortement."Comment des individus dont les jugements sont prédéterminés par des schémas mentaux rigides peuvent-ils acquérir la capacité de changer d'opinion ? La réponse pessimiste et réaliste est qu'il est souvent trop tard." (Pierre-André Taguieff, auteur de Court traité de complotologie - Editions Mille et Une Nuits, 2013)Il faut garder à l'esprit que les personnes convaincues d'être dans un monde fait de complots, de conspirations, de machinations, en proie à un sentiment de persécution, voire à la paranoïa, ont un raisonnement très structuré, bien que fondé sur des prémisses erronées, et qu'il est très difficile de leur faire admettre qu'elles sont dans l'erreur. Tous les arguments et les faits qui leur sont présentés sont retournés et utilisés comme preuves que leurs allégations sont vraies [effet retour de flamme (2)]. Il n'existe donc pas de solution miracle à ce problème, hormis quelques pistes à explorer qui ont fait leurs preuves dans d'autres contextes des relations humaines Ces pistes ont pour but d'amener les militants et les personnes déjà convaincues à reconnaître qu'ils se trompent :
Il n'y a pas de remède miracle, mais si l'on ne tente rien, il probable qu'un jour on pourra s'en mordre des doigts. Pierre Tourev, 23/03/2017 Notes :
(2) Extrait de la page Effet retour de flamme : Dans un article de 2006, intitulé "When Corrections Fail: The persistence of political misperceptions", les universitaires américains Brendan Nyhan et Jason Reifler interprètent ce phénomène (dit effet retour de flamme) comme le résultat possible du processus par lequel les personnes contre-argumentent les informations incompatibles avec leurs croyances et renforcent ainsi leur point de vue. Une autre explication met en oeuvre le renforcement collectif et l'hypothèse selon laquelle il existe davantage d'informations que celles dont on dispose et qui soutiennent la croyance. En effet, si l'on sait qu'il existe une communauté de personnes qui partagent nos convictions et si l'on croit qu'il y a certainement des informations que nous ne possédons pas, mais qui l'emporteraient sur les informations contraires qui ont été fournies, alors la rationalisation devient plus facile, par un processus qui conduit à donner plus de poids au renforcement des croyances de la communauté. Il semblerait que l'effet retour de flamme est d'autant plus important que les croyances sont idéologiques et fondées sur l'émotion, que la personne manque de confiance en elle et a un sentiment d'insécurité. (3) Il ne suffit pas d'apprendre aux élèves à rechercher et à analyser l'information sur Internet, à distinguer le vrai du faux, il faut aussi les doter d'un esprit critique suffisamment flexible pour parvenir, si nécessaire, à changer d'opinion ou à reconnaître leurs erreurs sans que cela prennent une tournure dramatique. (4) Laurent Fabius - émission L'heure de vérité; 5 septembre 1984
>>> Définition : Théorie du complot, complotisme >>> Article : L'irrésistible progression du Front national ? Comment leurs électeurs se font piéger. >>> Autres textes sur le Front national >>> Bibliographie : Complot >>> Bibliographie : Front national |