Lutter contre la surinformationDe l'indigestion à l'information maîtriséeDepuis quelques dizaines d'années, avec le développement des nouvelles technologies de l'information, notre cerveau est de plus en plus sollicité par un flot quasi ininterrompu de signaux sonores et visuels qui tendent à faire de nous un simple récepteur d'informations. Si l'on n'y prend garde, on peut vite devenir un être passif qui tente tant bien que mal - s'il n'y a pas déjà renoncé -, de gérer cette avalanche d'informations et de trier entre ce qui est important et ce qui ne l'est pas. En particulier, le risque est grand de confondre ce qui est important et ce qui n'est qu'intéressant ou captivant. "La télévision a une sorte de monopole de fait sur la formation des cerveaux d'une partie très importante de la population. Or, en mettant l'accent sur les faits divers, en remplissant ce temps rare avec du vide, du rien ou du presque rien, on écarte les informations pertinentes que devrait posséder le citoyen pour exercer ses droits démocratiques."Quelle place reste-il pour la réflexion, pour la compréhension du monde qui nous entoure si notre cerveau s'épuise à essayer d'analyser, de trier et de hiérarchiser tous les signaux qui accaparent nos sens ? Trop d'information tue l'information ! Une fois retiré le temps passé à écouter la radio, un lecteur MP3, à regarder la télévision, à jouer sur une console vidéo, à traiter son courrier électronique, à lire et répondre à ses SMS / MMS, à rechercher la bonne information sur Internet perdue au milieu des publicités faites pour attirer le regard, à lire les alertes et autres informations propulsées (mode push) sur notre téléphone mobile, à prendre connaissance des multiples notifications en provenance de nos "amis" sur Facefook, à lire les tweets de ceux que l'on suit, à avoir lu, malgré nous, les publicités dans la rue et autres lieux publics, et éventuellement à lire un journal papier,. une fois tout ce temps retiré, que reste-il pour réfléchir par nous-même, en silence et sans perturbations visuelles, ne serait-ce que pour sélectionner ce qui était vraiment important dans ce flux d'informations ? A cela s'ajoute le risque de ne pas interpréter correctement des informations en étant victime des biais cognitifs, c'est-à-dire en tombant dans des pièges de la pensée (Cf. ce dossier). Comment un élève ou un étudiant peut-il se concentrer sur son travail scolaire avec un casque qui joue de la musique à tue-tête, avec la télévision en arrière-plan, avec la tentation d'une console de jeux posée à côté de lui ou avec les fréquentes sollicitations du smartphone ?
Comment choisir parmi la multitude de causes humanitaires, sociales ou politiques qui s'offrent à nous celles pour lesquelles on pourrait s'engager ?
Comment ne pas désespérer de l'humanité devant les incessantes images de guerre, de terrorisme, de malheurs, de faits divers tragiques ?
Comment être efficace dans son travail professionnel ou dans une activité personnelle si l'on est interrompu toutes les cinq minutes par un courrier électronique, un appel téléphonique ou une alerte ?
Comment se faire une opinion sur un sujet donné à partir de témoignages des seules personnes qui ont quelque chose à dire, en raison de leur propre expérience, en occultant l'avis de millions d'autres qui ne se seront pas exprimées ?
Appréciation personnelle : Passons sur l'aspect narcissique de certaines des émissions qui portent le nom de leur animateur vedette, les innombrables spots publicitaires et l'autopromotion incessante. Si l'on fait abstraction de ce côté agaçant de la station, tout est réalisé, avec un certain succès, il faut le reconnaître, pour rendre l'écoute intéressante. Mais les sujets traités vont des plus insignifiants aux plus importants : il faut bien tenir 24h d'antenne, 7 jours sur 7 - c'est là l'un des problèmes des chaînes d'information en continu. L'important est noyé au milieu d'une masse de sujets de moindre intérêt. On prétend, certes, donner la parole à tous, mais l'on sent bien à travers les thèmes récurrents abordés, le ton et les mots utilisés par certains présentateurs dans l'effervescence du direct que cette radio "roule" pour le patronat, au détriment des salariés, en particulier des syndicats et des fonctionnaires. Les auditeurs qui interviennent ont majoritairement un avis négatif sur les différents sujets abordés (on décroche rarement son téléphone pour se réjouir que les trains arrivent à l'heure). Quant aux auditeurs, de bonne foi, ils tombent dans le biais de représentativité qui est la tendance à fonder son jugement ou à prendre une décision à partir d'un nombre limité d'éléments que l'on considère comme représentatifs d'une population beaucoup plus large. Les auditeurs en repartent avec l'idée diffuse que tout va mal en France. A qui peut donc bien profiter ce populisme ? Comment ne pas perdre une part de sa conscience avec une overdose d'objets temporels ?
Comment ne pas être conditionné pour acheter un produit vanté par des spots publicitaires auxquels nous aurons été exposés une dizaine de fois dans la même journée et cela sur au moins 5 canaux médiatiques différents ?
La prise de conscience de cette surabondance d'informations, de l'indigestion cérébrale qu'elle provoque et de sa conséquence sur nos performances et notre libre arbitre doit normalement nous conduire à la combattre pour retrouver une vie plus saine et pour bénéficier de davantage de "temps de cerveau disponible" pour vivre la vie que nous aurons choisie, pour exister tout simplement, par soi-même, sans être façonné par toutes les informations dont nous sommes gavés. Il ne faut cependant pas regretter un hypothétique âge d'or de l'information qui n'a jamais existé. Aujourd'hui nous avons accès en quelques clics à toutes les "bibliothèques" du monde et y trouvons ce que nous cherchons en quelques secondes. Mais, pour autant, ne nous laissons ni submerger ni manipuler : apprenons à maîtriser l'information. Ne la laissons pas venir à nous de manière incontrôlée, mais allons plutôt la chercher, en fonction de nos besoins, en profitant de toutes les facilités offertes par les nouvelles technologies. Quelques suggestions pour passer de la surinformation à l'information maîtrisée.
Pierre Tourev, 10/06/2014
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